Sacha Guégan,
de la permaculture à la transformation de plantes.

Ingénieur de formation (école Polytechnique) et pédagogue passionné, Sacha anime depuis plusieurs années des formations autour de la permaculture. Il s’est installé récemment comme producteur de PAM près de Pontivy, en Centre-Bretagne.
Première récolte sur les annuelles : basilic pourpre et pavot de Californie

ARH : Sacha, quelle formation avez-vous suivi initialement ?

Sacha Guégan : Je suis ingénieur, j’étais dans l’industrie automobile et l’énergie ensuite, j’ai fait une petite parenthèse très courte d’un an dans l’humanitaire, et en 2012 j’ai fait un BPREA en maraîchage bio à Combourg. C’est un BPREA à distance qui dure 18 mois : il y a quelques regroupements durant 5 semaines sur le centre de formation quand je le faisais, et un stage de 6 à 10 semaines dans une ferme. À l’issue de cela, j’ai quitté l’industrie pour aller travailler à la ferme du Bec-Hellouin en Normandie où je coordonnais le programme de recherche avec l’INRA et AgroParis Tech sur le maraîchage. Je faisais également partie de l’équipe de formateurs.

ARH : Qu’est-ce qui a fait que vous vous êtes intéressé aux plantes ?

Sacha Guégan : Dès le début les plantes m’intéressaient énormément : leurs usages alimentaires, mellifères, les plantes sauvages, etc. C’est par là que j’ai commencé ma transition en fait, et à un moment, comme je connaissais des personnes qui cultivaient des plantes médicinales, je me suis dit que j’allais faire une formation sérieuse sur le sujet, mais seulement à titre personnel, car je n’avais absolument pas l’intention de m’engager dans un projet professionnel. Donc je me suis renseigné, je suis allé à l’ARH et c’est en cours de formation, pendant le stage, que j’ai « tilté », je me suis dit que j’avais vraiment envie d’en faire une partie de mon activité.

Les haies champêtres et fruitières protègent des vents et abritent une biodiversité utile pour les cultures qui ont parfaitement pris.

ARH : Et comment avez-vous connu l’ARH ?

Sacha Guégan : En fait grâce à Catherine Lamiot chez qui je faisais mon stage, et que je connaissais déjà depuis quelques années. Elle habitait à quelques kilomètres de chez moi, s’était installée en production de PAM et faisait de la transformation. Comme j’avais repéré plusieurs écoles, je lui ai demandé son avis. Elle avait fait l’ARH, et en discutant avec elle cela correspondait à ce que je recherchais. Donc je me suis inscrit à l’ARH, et j’ai terminé la formation en septembre 2020.

J’organise des formations destinées aux personnes qui ont un terrain et qui veulent s’installer, qui veulent l’aménager, sur des principes écologiques, de permaculture. »

ARH : Où êtes-vous situé ?

Sacha Guégan : J’étais en Normandie jusqu’au mois de mars 2020 et maintenant je suis en Centre-Bretagne, juste à côté de Pontivy, dans le Morbihan.

Cultures de mauve et de chicorée.

ARH : Avez-vous eu une opportunité pour vous installer à cet endroit pour votre activité ?

Sacha Guégan : Pour l’instant, je change progressivement d’activité : je continue mon activité non agricole en parallèle, en diminuant le rythme bien sûr. Les années à venir diront quel est le bon équilibre. J’organise des formations destinées aux personnes qui ont un terrain et qui veulent s’installer, qui veulent l’aménager, sur des principes écologiques, de permaculture. Je fais aussi des formations ciblées sur la permaculture, et en fait je cherchais un terrain dans la moitié Est de la Bretagne, sans zone particulière. J’ai visité 45 ou 50 sites, mais ça aurait pu être complètement ailleurs.

Pavot de Californie : premières récoltes.

ARH : Pouvez-vous nous présenter votre projet d’installation ?

Sacha Guégan : Je suis installé à 10 km de Pontivy, qui est la grande ville, la sous-préfecture de Centre-Bretagne. Globalement c’est une région d’agriculture intensive, mais j’ai de la chance, car autour de chez moi il y a pas mal d’agriculture bio. J’habite une commune qui est très sensible à cela. Il y a beaucoup de débouchés commerciaux potentiels, avec des circuits courts, et plusieurs dispositifs qui existent. Mon site fait 1,5 ha, il y a 2000m2 qui étaient cultivés par un vieux monsieur, c’était son potager – immense ! Il cultivait en bio, même si ce n’était pas certifié, et j’ai racheté une prairie naturelle, à moitié zone humide qui est attenante. Mon projet va être en conciliant l’activité que j’ai déjà, de lancer la production de PAM; à la fois les aromatiques et les médicinales, en commençant par des transformations vraiment simples car j’ai une contrainte de temps avec mon autre activité. Pour l’instant je pense à des macérations, huiles, vinaigres, peut-être des alcools l’an prochain, (pour faire des apéritifs) sur une partie du terrain, 2000m2, grand maximum. Le terrain à coté va me servir pour la cueillette sauvage, puisque j’ai aussi une composante cueillette sauvage, y compris chez des agriculteurs bio à côté de chez moi, et j’ai aussi l’idée d’une plantation de plantes en semi-sauvage. Je compte aussi utiliser la prairie naturelle pour observer la faune et la flore, tout simplement.

« Comme j’avais un BPREA en maraîchage bio, que j’avais travaillé dans l’industrie et dans une ferme bio, et que j’accompagne des projets professionnels, j’avais pleinement conscience de la différence entre une activité familiale et une activité professionnelle. »

ARH : Comptez-vous mettre en place des stages, et accueillir des élèves ?

Sacha Guégan : Aujourd’hui l’infrastructure ne le permet pas, et les formations que j’anime sont aujourd’hui à d’autres endroits (par exemple pour l’ARH à Chalencon, en Ardèche) donc petit à petit j’essaye de les relocaliser en Bretagne, peut-être chez moi à terme, mais pas à court terme.

La propriété comprend un hectare de prairie naturelle et de zone humide propices à la cueillette de plantes sauvages.

ARH : Est-ce que l’objectif plus ou moins lointain, ce n’est pas de vivre complètement de tes nouvelles activités PAM ?

Sacha Guégan : Non, pas du tout, parce que j’aime beaucoup mon activité actuelle de formateur. J’aime aussi beaucoup accompagner des projets, et en fait j’aimerais que mon activité autour des PAM représente à peu près la moitié ou un peu plus de mon revenu. Mais après pourquoi pas, si cela marche vraiment bien pourquoi ne pas en faire mon activité principale ?
Mais aujourd’hui ce n’est pas l’idée.

ARH : Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre installation, et à l’inverse, quels sont les facteurs qui vous ont facilité la tâche ?

Sacha Guégan : Je vais commencer d’abord par ce qui m’a facilité la tâche. Comme j’avais un BPREA en maraîchage bio, que j’avais travaillé dans l’industrie et dans une ferme bio, et que j’accompagne des projets professionnels, j’avais pleinement conscience de la différence entre une activité familiale et une activité professionnelle. Comme je suis à mon compte aussi depuis plusieurs années, je maîtrisais le côté économique.
Ce qui me manquait, c’était le côté récolte des PAM, et derrière ce qu’on en fait, la transformation, l’ensachage, l’étiquetage… J’ai très peu d’expérience dans ces domaines. Je n’avais pas trop vu cela pendant mon stage à l’ARH. Je suis donc allé 10 jours en stage chez une amie, Marie Verveine, en sud Bretagne installée depuis une dizaine d’années, et cela m’a beaucoup aidé. Par son intermédiaire mais aussi grâce à d’autres personnes, j’ai pu me mettre en relation avec les autres producteurs et productrices du département : il y a un réseau ici avec une bonne entente entre les personnes.

« Il suffit de discuter avec les gens et ils vous apprennent énormément de choses ! C’est très pratique. Ici il y a des réseaux à moins de 10 km, il y a tout ce qu’il faut. »

Un côté un peu difficile peut-être c’est que je suis arrivé dans un coin où je ne connaissais personne. Mais en même temps, les gens sont hyper accueillants dans le hameau, et la commune où j’habite. Il y a une vraie sensibilité écologique dans cette commune de 750 habitants. Mes voisins, qui habitent ici depuis leur enfance, mais aussi d’autres personnes, m’ont permis de connaître les réseaux dans le coin : il suffit de discuter avec les gens et ils vous apprennent énormément de choses ! C’est très pratique. Ici il y a des réseaux à moins de 10 km, il y a tout ce qu’il faut. Un autre point à souligner, mais j’en avais conscience dès le départ, c’est que je suis tout seul pour m’installer. Et dans toute installation il y a beaucoup de travail. L’avantage d’avoir une activité en parallèle c’est la sécurité financière car c’est une activité qui marche bien. Je n’ai pas de contrainte ni d’urgence financière : c’est un confort. Mais je suis tout seul, et c’est vrai que des fois c’est plus sympa d’être à deux ou à plusieurs.

Chicorée : récolte de feuilles pour un essai de séchage, en attendant de récolter les racines à l’automne.

ARH : Que vous a apporté la formation à l’ARH ?

Sacha Guégan : Je connaissais les plantes, je les regardais, je les reconnaissais, mais je ne connaissais pas la botanique « technique », et c’est quelque chose que j’ai beaucoup aimé à l’ARH. Cela m’a apporté des choses concrètes au niveau des plantes, des principes actifs, les indications et des contre-indications dont je n’avais pas conscience. Par exemple la façon de concevoir une tisane. Il y a des règles simples que je ne connaissais pas. J’ai aussi pris conscience qu’il existait d’autres produits, les teintures mères par exemple. Je ne connaissais pas du tout la réglementation et maintenant je suis beaucoup plus affûté.
J’ai aussi appris beaucoup de choses très utiles sur le site web du Syndicat SIMPLES.
Mais le cœur du métier d’herboriste, je l’ai appris à l’ARH.

Mauve.

ARH : Selon vous, est-il possible de créer son activité en lien avec les plantes ? Est-ce que tout un chacun peut y prétendre ?

J’avais eu une discussion avec la personne chez qui j’avais fait mon stage, et qui avait fait l’ARH. C’est une personne très pointue, qui continue sans cesse de travailler sur les plantes. Elle m’avait dit clairement que c’est beaucoup plus facile de vendre quand on est capable de mettre en avant ses connaissances et de parler des plantes. Cela va au-delà des connaissances lambda que l’on trouve sur Internet. C’est très important car les gens qui n’ont pas suivi de formation à l’ARH ou ailleurs n’ont pas conscience des contre-indications, et ils peuvent raconter n’importe quoi. Tout le monde peut s’installer. Mais si on veut faire les choses de façon tout à fait sérieuse, cela implique impérativement une formation qui apporte des connaissances que l’on ne trouve pas sur les blogs sur Internet.

Récolte de Camomille romaine.

ARH : Avez-vous un site Web ? Travaillez-vous avec les réseaux sociaux ?

Sacha Guégan : Je vais créer un site Internet pour l’activité PAM. Concernant les réseaux sociaux même à titre personnel je ne les utilise pas. La personne chez qui j’ai fait mon stage dans le Morbihan a un compte Facebook sur lequel elle passe du temps mais elle n’a pas l’impression que ça lui rapporte beaucoup de clients. Elle a mis 2-3 ans à se faire sa clientèle sur le marché. C’est aussi ça que je prends en compte, et je suis bien content d’avoir mon autre activité à côté qui va me permettre de me donner le temps de construire tout cela sans stress.

« Je compte utiliser mon site Web mais aussi mes produits (les tisanes ou les produits en bouteilles), pour faire de la pédagogie autour de la nature. »

ARH : Avez-vous des choses à ajouter ? ou à préciser ?

Sacha Guégan : Oui, une chose à laquelle j’ai pas mal réfléchi. Dans les PAM il y a beaucoup de plantes vivaces. Elles mettent pas mal de temps à pousser, donc on ne va pas récolter la première année mais plutôt la deuxième. Donc je me suis dirigé vers les aromatiques pour la première année (il y a plus d’annuelles), en espérant que cela va marcher niveau commercialisation. Je pense à des macérats aromatisés : des vinaigres, des huiles, aussi quand même un peu de tisanes cette année, mais pas énormément. Je me pose aussi la question de faire des apéritifs à base de plantes, donc des macérations dans l’alcool. Je suis allé voir les douanes, et les formalités ne sont pas monstrueuses, évidemment le côté médicinal m’intéresse beaucoup, mais je pense aussi à ce deuxième créneau plus culinaire / plaisir : ce n’est pas la même clientèle, probablement pas les mêmes débouchés, mais le côté « aromatique », je ne compte pas le négliger.

Séchoir en cours de construction. Le plus dur est fait ou presque, à savoir la construction du caisson (il reste le tiers à droite, à construire dans un second temps puis à mettre en place et à solidariser avec les deux tiers de gauche – la construction se fait en deux temps, exiguïté du local oblige). Il a d’ailleurs fallu choisir entre une dépendance spacieuse mais au plus loin des cultures, sans accès direct depuis la maison et sans électricité ; et un local petit, mais au plus proche des culture, avec électricité et communiquant avec la maison. C’est la seconde option qui a été privilégiée, plus facile au quotidien donc sûrement plus efficace. Il va falloir fortement optimiser les rangements et les stocks en profitant de l’arrière cuisine attenante. S’agissant de la construction, restent à fabriquer le tiers droit du caisson, les portes, les claies et leurs supports. Un déshumidificateur de 20l/jour est prévu pour 22m2 de claies environ.

ARH : Savez-vous déjà comment commercialiser vos produits, par exemple sur les marchés ?

Sacha Guégan : Très localement il y a 2 systèmes style « Click and Collect » : des producteurs se sont regroupés pour créer une plate-forme Internet et il y a des points de distribution 2 ou 3 fois dans la semaine, 10 kilomètres à l’est et à l’Ouest de là où j’habite. J’ai commencé à me rapprocher d’eux. Il y a aussi une AMAP, un marché de producteurs et bien sûr le marché à Pontivy. Pour les produits plus aromatiques ou gastronomiques, je vais contacter les épiceries fines en Bretagne.
Une chose que je voulais ajouter c’est que je compte utiliser mon site Web mais aussi mes produits (les tisanes ou les produits en bouteilles), pour faire de la pédagogie autour de la nature. Mon idée est de poser une étiquette supplémentaire sur le produit, qui apporterait des informations sur les bestioles que les gens ne connaissent pas bien, sur les plantes, ajouter un peu de connaissances écologiques, des liens internet, pas uniquement vers mon site, mais aussi vers des associations comme la LPO, ou des associations naturalistes du coin. Mais également, pourquoi pas, vers des revues comme « La Hulotte « ou « La Salamandre ». On crée des produits que les gens vont avoir chez eux, alors autant en profiter pour y apposer des informations sur la nature.

ARH : Merci beaucoup Sacha.

 Note de l’ARH : Pour tout savoir sur la permaculture,
n’hésitez pas à acheter le livre de Sacha :
« Penser son projet en permaculture » aux éditions Ulmer !
 

Sacha Guégan
Culture et transformation de plantes
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