Marion Desray, « La Plante Libérée »,
retour sur une installation réussie.

Quelques années après son premier témoignage, nous avions envie de prendre des nouvelles de Marion Desray, qui en 2019 commençait sa reconversion en productrice et transformatrice de PPAM.
C’est chose faite avec ce nouveau témoignage de janvier 2024, qui éclaire le chemin parcouru en 4 ans.

ARH : Bonjour Marion, comment pourrait-on résumer votre reconversion d’ingénieure-chimiste vers un métier autour des plantes ?

Marion Desray : Je m’intéresse aux plantes et je transforme les plantes depuis l’adolescence, et je m’étais inscrite à l’ARH-IFH pour développer mes connaissances et surtout pour avoir des références solides vis-à-vis des plantes, en pharmacognosie, et aussi bibliographiques : à part les livres de Pierre Lieutaghi, il n’y avait pas de choses sur lesquelles je pouvais vraiment m’appuyer.

L’objectif initial n’était pas du tout d’en faire une activité professionnelle, c’était de quitter l’activité d’ingénieure chimiste que j’avais à l’époque. J’avais une spécialisation en environnement, je faisais énormément d’interventions en France, à l’étranger, etc. Et j’étais clairement en train de m’épuiser.
J’avais adapté mon temps de travail à 80%, ce qui me permettait de réfléchir à d’autres choses pour moi, et qui me nourrissaient intellectuellement. Ensuite je suis passée à 50%. Au fur et à mesure que je suivais les cours de l’ARH-IFH, je me suis aperçue très rapidement que cela me passionnait, je savais donc où je voulais aller ! À la fin de la formation ARH-IFH, j’ai eu envie d’augmenter mes connaissances, mais encore une fois, pas nécessairement pour viser une activité professionnelle. Finalement j’ai démissionné de mon ancien poste, et en parallèle je me suis séparée. Du coup j’avais plus de temps pour moi. J’ai eu la chance, après les 4 mois de carence, d’avoir droit aux indemnités chômage. Donc à partir de là, j’ai pu réfléchir sereinement, faire et développer tout ce que j’avais envie de faire, indépendamment du côté financier.

En 2018, J’ai officiellement créé l’entreprise, et tout doucement, j’ai pu développer les produits et la production au niveau des plantes.

Le rythme des saisons

Pendant trois ans, de 2018 à 2020 j’ai fait des tests sans eau.

J’ai commencé par développer à fond la saponification à froid, et aussi à faire des plantations sans eau sur de très petites surfaces.
Je développais la partie herboristerie, ce qui me passionnait car les plantes étaient l’idée numéro un du projet évidemment, mais c’est la saponification à froid, donc la partie artisanale, qui a permis de me faire vivre au début.

Pendant trois ans, de 2018 à 2020 j’ai fait des tests sans eau. J’avais un petit jardin familial pour faire des essais sur le romarin, différents types d’origan, différents types de sauges. J’avais de la mélisse et de la menthe qui poussaient facilement et un petit peu de camomille. Puis en février 2021 j’ai acheté 6,5 ha de terre au village, qui n’avait pas été touchée depuis 40 ans, donc j’ai pu les passer sous mention « Nature et Progrès » directement. Et surtout, j’ai pu transplanter tout ce que j’avais fait jusque-là en petites quantités sur une surface plus grande.

J’ai 8 parcelles toutes attenantes, dont une grosse parcelle de forêt, et 4 parcelles qui étaient entièrement cultivées en lavandin. Il n’y a jamais eu de vignes sur ces terres, donc pas de polluants historiques. Surtout, ce sont des zones qui, même si elles n’avaient pas été touchées depuis 40 ans, avaient été pâturées par des brebis 1 à 2 fois par an, et il y avait très peu de cailloux, ça c’était plutôt pas mal ! Il y a de la garrigue sur le reste de mon terrain. Sur mes 6,5 hectares, ce qui est super, c’est que j’ai pu transplanter tous mes essais de « sans eau », j’ai pu les développer à fond sur une surface plus grande. Et puis j’ai également toute une partie cueillette qui s’offre à moi : il y a énormément de stations historiques de thym, d’immortelles, de cades, il y a de l’aubépine, de la sarriette, il y a tout un tas de choses que je peux maintenant récolter « chez moi », et de manière responsable : cette année je vais récolter sur telle parcelle, l’année prochaine je récolte sur telle autre, etc. Cela me permet de rénover les stations et de cueillir de manière correcte des plantes qui étaient implantées naturellement.

Chicorée en fleurs

Vous continuez donc vos essais « sans eau » sur cette nouvelle parcelle ?

Oui. En fait, sur chaque division et sur chaque transplantation, évidemment, je vais arroser. Mais après, l’idée, c’est que ce ne sont que des plantes qui peuvent pousser sans eau et surtout qui peuvent tenir avec notre climat. J’ai aussi fait du boutturage de sureau, mais lui, il a besoin d’un peu plus d’humidité et surtout d’ombre. Ce qui est génial c’est que sur le terrain j’ai quand même beaucoup de diversité en termes de terre et d’ensoleillement. J’ai pu trouver un petit endroit et cela a bien pris, parce que j’avais du sureau en cueillette sauvage ailleurs, mais mon idée c’est vraiment de regrouper sur les 6,5 hectares les différentes espèces que j’ai envie de récolter.
J’ai fait des plantations d’eucalyptus radié, un type d’eucalyptus médicinal qui tient jusqu’à – 5 °C et qui va me permettre d’utiliser sa feuille qui est très intéressante pour toute la partie pulmonaire. Ça fonctionne très bien parce qu’en plus c’est un eucalyptus qui ne demande que 20 litres/mois en plein été, même à 40°C : c’est parfait.

Comment gérez-vous l’arrosage quand vous en avez besoin ?

On est dans une région assez viticole, tous les producteurs du village ont accès à des points d’eau. On paie une petite redevance par an et on a accès toute l’année à un point d’eau.

Je remplis des bidons ou des cuves et puis je me débrouille sur le terrain.

Donc ce n’est pas compliqué. Et qu’en est-il au niveau des transformations ?

Après avoir acheté à l’hiver 2021, j’ai auto-construit à l’hiver 2022 un séchoir solaire en terre-paille sur le terrain qui a très bien marché les deux premières années, mais cette année on a eu un printemps extrêmement pluvieux et il y a eu une reprise d’humidité sur les menthes, les mélisses, les orties, dont les feuilles se sont oxydées. J’ai eu beaucoup de pertes, c’est la première fois que ça m’arrive, j’ai jeté beaucoup ! À la suite de cette mésaventure j’ai eu l’idée de construire un abri de stockage en bois pour les plantes avec une deuxième partie séchoir à l’intérieur : je vais rajouter un panneau solaire, une batterie et puis je vais brancher un déshumidificateur pour les années où il fait vraiment trop humide. Je mettrai mes claies à l’intérieur, je lancerai le déshumidificateur et puis je n’aurai plus ces problèmes.

Les 32 claies font un peu moins d’un mètre carré chacune.

Avec parcimonie...

C’est un service de saponification à façon, avec des formulations que j’ai déjà. Je suis donc la personne responsable pour eux, et ça leur permet d’avoir un produit supplémentaire à proposer à leurs clients, tout le monde y gagne.

Concernant la transformation proprement dite, je continue évidemment la saponification à froid, c’est jusque là ce qui me faisait vivre et puis j’ai dû déposer les Dossiers Informations Produits : les formulations sont validées.

J’ai développé un partenariat avec différents producteurs locaux pour faire du service de saponification. Le producteur de lait de chèvre qui est dans le même village que moi, me donne son lait de chèvre, je fabrique un savon avec son lait de chèvre, j’ajoute son logo sur le produit fini, et je peux lui vendre ma prestation de saponification. Cela lui permet de vendre sur le marché, outre ses fromages de chèvre, ses savons qui ont été fabriqués par mon entreprise, « La Plante Libérée », située dans le même village.
C’est vertueux parce qu’on reste en local et parce que ça me permet d’avoir un service en plus. Je propose ce service également à 4 apiculteurs, donc je crée pour eux un savon au miel et à la propolis. Je collabore aussi avec 2 producteurs de spiruline et également avec un collègue producteur de plantes (mais qui distille principalement), qui fait peu d’herbe sèche. Il me donne de l’huile essentielle de romarin camphré et de l’huile essentielle de cade et je fais pour lui des savons avec son huile essentielle.

C’est un service de saponification à façon, avec des formulations que j’ai déjà. Je suis donc la personne responsable pour eux, et ça leur permet d’avoir un produit supplémentaire à proposer à leurs clients, tout le monde y gagne.

Et puis après il a évidemment toute la partie transformation des plantes directes, c’est-à-dire mes plantes sèches en tisane, unitaires ou en mélange, que je vends en sachets. Il y a la partie sirop, car je fais du sirop de thym maintenant. Je fais également des macérats huileux, avec de l’achillée, du coquelicot, du millepertuis évidemment, plantain, calendula, immortelles, j’ai commencé un peu d’origan aussi, du romarin.

Et avec ça, je fais aussi des baumes.

Enfin, j’ai beaucoup développé la partie « ateliers » et « sorties botaniques ». Je propose des sorties botaniques à thème à mes clients. Ça marche vraiment très bien parce qu’à chaque fois je refuse du monde ! Et puis ce que le public aime aussi c’est qu’à la fin de la sortie botanique, quand ça se passe près du labo, et la plupart du temps c’est le cas, eh bien on termine par une petite visite de mon atelier, c’est chouette, c’est un tout.

…on a ouvert un magasin de producteurs l’année dernière à Barjac tout près d’ici, « La Ferme de Barjac », c’était très intéressant, notamment sur la partie collective et mise en oeuvre.

Donc ce sont des sorties botaniques pour tout public, ce ne sont pas pour les scolaires particulièrement ?

C’est pour tout public, mais depuis cet été, j’ai développé la partie « enfants » avec un partenariat avec des centres de loisirs, des écoles et des collèges. Ils peuvent aussi venir en direct, pour des ateliers ou des petites sorties « identification de plantes » à leur échelle. J’ai fait des ateliers de teintures végétales avec eux, il y a plein de choses différentes à faire.
Mais l’idée était aussi de proposer une activité en partenariat avec cette même ferme qui fait du fromage de chèvre, par exemple sur le thème « Les chèvres et les plantes ». Donc le matin, ils vont sortir les chèvres, observent ce qu’elles mangent puis l’après-midi ils viennent avec moi et puis on fait une identification, on essaie de reconnaître les plantes que les chèvres ont mangées. Voilà, c’est un partenariat en local avec d’autres producteurs pour rendre les choses vivantes et puis être plusieurs à proposer ensemble quelque chose, pourmettre en commun nos énergies.
Au niveau des ateliers, j’en ai fait moins cette année, à chaque fois c’est autour des plantes et miel, j’ai envie de développer un nouvel atelier avec une personne qui fait plutôt de la micro-nutrition. L’idée est d’imaginer un atelier autour des plantes et de la femme, de l’adolescence jusqu’à la ménopause et de proposer une journée autour de ce thème-là. y a beaucoup de choses qui émergent et notamment aussi des partenariats avec d’autres producteurs ou avec un cueilleur que j’ai rencontré en Ardèche, et qui habite près d’ici, avec qui j’aimerais sortir un produit bien spécifique et plutôt haut de gamme, en tisane, autour de des plantes et du miel. Voilà, il y a plein de choses en perspective.

Et puis le dernier point, c’était la partie commercialisation.

Au tout début, je faisais beaucoup de marchés, plutôt l’été. Aujourd’hui, j’ai diminué les marchés, je n’en fais plus que deux par semaine l’été.
Je fais beaucoup plus de ventes directes, maintenant les gens viennent sur rendez-vous, à l’atelier ou alors passent commande et je les livre quand je vais dans l’un ou l’autre des grands villages près d’ici. Et on a ouvert un magasin de producteurs l’année dernière à Barjac tout près d’ici, « La Ferme de Barjac », c’était très intéressant, notamment sur la partie collective et mise en oeuvre. Je suis rentrée récemment dans un autre magasin de producteurs plus ancien, dont je connaissais les producteurs depuis 15 ans. Ça marche très bien et ça prend le pas sur le fait que je fais moins de marchés. C’est un autre type de travail, nous faisons des permanences.
Évidemment je ne suis pas de permanence tous les jours donc je ne suis pas forcément au contact des clients tous les jours. Pour autant il faut quand même réussir à parler de son produit, à le mettre en avant et savoir parler des produits des autres. C’est chouette aussi.
C’est autre chose.

Avez-vous une présence en ligne ?

J’ai un site internet qui présente mon activité, et qui permet d’avoir une image en ligne, car les gens veulent avoir des renseignements sur mon activité, ils ont donc des infos sur ce que je fais. Il y a aussi beaucoup de gens qui me passent commande par mail ou par téléphone et je fais des envois.
Ce sont typiquement des gens qui m’ont rencontrée sur un marché l’été, et puis quand vient le moment de renouveler leurs produits,  ils me recontactent en direct et je leur envoie les produits.

Cela, ça marche très bien.

Je travaille également avec une newsletter : les 4 premières années, lorsque je faisais les marchés, je demandais aux gens qui le souhaitaient leur adresse mail, ce qui m’a permis de constituer une liste et je peux donc à présent les tenir au courant de mes activités, de mes produits, de mes nouveautés…

Merci beaucoup Marion.

La Plante Libérée
Marion Desray

Transformation de plantes, ateliers, randonnées

Ateliers :

Alcoolatures et teintures mères : cueillette, fabrication, précautions, utilisation
Gemmothérapie : cueillette, fabrication, précautions, utilisation
Mâcérats huileux – faire son baume soi-même – Teinture végétale
Saponification – Vannerie sauvage – Les plantes au féminin/au masculin
Musique avec les plantes…

Randonnées herboristes :

Botanique et reconnaissance – Les plantes comestibles
Plantes utilisées en vannerie sauvage

Vente à l’atelier :

Plantes sèches, savons

Le Sauvan
30760 ISSIRAC
Mobile : 06 21 22 09 40

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