Anaïs Kerhoas,
productrice de plantes médicinales en Bretagne

Anaïs est une passionnée des plantes et de leur culture. Après ses études à l’ARH et en formation agricole, elle s’est lancée dans le difficile chemin de l’installation, non sans difficultés à surmonter. Elle est au cœur du reportage qui connait un grand succès « Anaïs s’en va-t-en guerre », de Marion Gervais. Ce film retrace son parcours d’installation et ses difficultés, sa volonté et sa ténacité. Nous l’avons interrogée pour savoir où elle en est aujourd’hui.

ARH : Quel est votre parcours avant l’ARH ?

Anaïs Kerhoas : J’ai fait un bac général ES (Economique et Social), puis une année de fac d’histoire, que je n’ai pas terminée. Au lycée, j’avais déjà l’idée de me former aux plantes médicinales, mais c’était des formations payantes, et le métier d’herboriste n’étant pas reconnue, j’hésitais.

«J’ai appelé des producteurs pour qu’ils m’aident à choisir, et c’est l’ARH qui était la plus reconnue.»

Après mon passage à la fac, je suis partie voyager 6 mois en Asie. C’est ce voyage qui m’a fait réfléchir et en revenant j’ai décidé de faire une formation sur les plantes. J’ai cherché sur internet et j’ai appelé des producteurs pour qu’ils m’aident à choisir, et c’est l’ARH qui était la plus reconnue. La formation m’a passionnée, on acquiert vraiment de bonnes connaissances en botanique, et je remets souvent mon nez dedans, pour vérifier les propriétés de certaines plantes, les utilisations…

ARH : Avez-vous toujours été intéressée par les plantes ?

Anaïs Kerhoas : J’ai toujours été intéressée par les odeurs ; petite, je voulais être nez. Mais il y avait trop de chimie alors j’ai laissé tomber. J’habitais en appartement, et à 12-13 ans, mon père a déménagé à la campagne. Il avait un grand jardin, je m’amusais à essayer de reconnaître les plantes… A l’adolescence, je me suis un peu éloignée du monde végétal, jusqu’à ce que je découvre les huiles essentielles, dans lesquelles on avait réussi à concentrer les odeurs ! Et elles étaient très efficaces contre mes migraines. J’ai donc acheté des bouquins et j’ai commencé à me former toute seule. Puis le lycée, mon voyage en Asie, et l’ARH. Je voulais travailler dans les plantes, mais comme les herboristes n’existaient pas, je ne savais pas quoi faire exactement.  En 2e année de l’ARH, on fait un stage professionnel. Je l’ai effectué chez Gérard, un producteur de plantes, et c’est grâce cela que j’ai eu l’idée de m’installer. J’ai découvert chez lui que ce n’était pas forcément réservé aux hommes et il m’a beaucoup encouragée.

SONY DSC

ARH : Une fois que vous avez décidé de vous installer comme productrice de plantes, qu’avez-vous fait ?

Anaïs Kerhoas : Après l’ARH, j’ai fait un BPREA (Brevet Professionnel Responsable d’Exploitation Agricole) en maraichage bio car dans le coin, il n’en existe pas en PPAM (Plantes à Parfum, Aromatiques et Médicinales). J’ai terminé la formation en 2011. Un ami de mon père, maraîcher à Saint-Suliac en Ille-et-Vilaine, m’a proposé de reprendre sa ferme d’1,5 hectare. Selon l’administration du département, c’est la surface nécessaire pour s’installer en PPAM. Mais sa sœur avait également un projet d’installation, il nous fallait donc quelques ares supplémentaires. Et là, ça a été très compliqué pour trouver du terrain : une réglementation stricte du fait d’être proche du littoral, et surtout pas de soutien des élus. Il faut déjà beaucoup d’énergie pour s’installer, alors j’avais pas envie d’en gaspiller avec des cons. Donc j’ai décidé de partir. Je n’avais pas terminé mon stage de BPREA, que je faisais chez Christophe, un maraîcher bio. C’est lui qui m’a trouvé une parcelle de 3000 m². Il m’aide beaucoup : il travaille la terre, on a construit le séchoir ensemble… Je cultive donc aujourd’hui une cinquantaine de plantes sur 3000 m², plus un peu de cueillette sauvage. Je sèche et je confectionne des mélanges. Je n’ai pas encore de statut agricole, car je n’ai pas la surface suffisante pour cela. Mais je pense avoir trouvé un autre terrain d’1,5 hectare, avec une vieille maison et une grange, où je pourrai mettre mon séchoir. Je vends les sachets en magasins, un peu sur les marchés, et par internet. Internet est mon premier débouché, grâce au film…

 

 

 

ARH : D’où est venue cette opportunité de reportage « Anaïs s’en va-t-en guerre » ?

Anaïs Kerhoas : Lorsque j’étais à Saint-Suliac, j’ai rencontré Marion, la réalisatrice, qui trouvait intéressante l’idée de suivre mon parcours pour faire un reportage ; j’ai accepté qu’elle filme, même si je n’aime pas trop être au centre, mise en avant.

«J’ai mis du temps à comprendre pourquoi on me félicitait ; je ne suis pas Mère Térésa, et je fais ce que j’ai envie de faire !»

Elle a filmé pendant 1 an et demi. Le film est sorti en avril 2014, et en mai avec internet, le nombre de vues a explosé ! Je recevais 300 mails par jour, j’étais harcelée au téléphone, les gens me félicitaient et m’encourageaient. Certains m’envoyaient de l’argent, des outils, j’avais plein de commandes. J’ai mis du temps à comprendre pourquoi on me félicitait ; je ne suis pas Mère Térésa, et je fais ce que j’ai envie de faire ! En fait ça réveillait chez eux comme un instinct de vie… Les réactions étaient très positives, mais je suis un peu sauvage, je suis bien toute seule dans mon champ, donc j’ai eu du mal à gérer tout ça. C’était parfois trop : les gens qui débarquent dans ma cour le dimanche après-midi, sans prévenir pour acheter des tisanes alors que j’ai 20 points de vente dans le département… je me suis sentie envahie. Le film a été diffusé a nouveau en septembre 2014, donc à nouveau 300 mails par jour, et ça s’est calmé début novembre.

ARH : Avec le recul de vos 2 années de production, qu’est-ce qui a fait la réussite de votre projet, et quelles ont été les difficultés ?

Anaïs Kerhoas : Il y a plein de facteurs qui ont fait que j’en suis là. C’est les rencontres avec Gérard et Christophe, qui m’ont toujours soutenue, c’est le coup de pub avec le film, c’est la qualité de mes produits. Côté difficultés, c’est le problème de l’accès au foncier et la réglementation parfois aberrante. En plus, ici il n’y a que des vaches, l’administration ne comprend rien à un projet avec des plantes !

«Aujourd’hui, ça les interpelle vachement, les gens sont très intéressés, ils posent plein de questions.»

ARH : Comment est perçue votre activité ?

Anaïs Kerhoas : Au départ, les personnes de mon entourage étaient emballées, mais un peu sceptiques. Aujourd’hui, ça les interpelle vachement, les gens sont très intéressés, ils posent plein de questions. C’est très valorisant, ils sont impressionnés. C’est sûr, il y a beaucoup de travail, mais pour moi c’est plus facile que d’aller obéir aux ordres d’un con toute la journée !

ARH : Est-ce que vous pensez que votre projet est reproductible ?

Anaïs Kerhoas : Oui, il y a de la place ! Les tisanes sont peu consommées, mais malgré tout, de plus en plus. Il y a une tendance qui va vers le naturel, le bio. Quand j’arrive sur un nouveau marché, les gens n’avaient pas de producteur avant ; aujourd’hui, ils m’achètent des plantes et ils reviennent. La production est assez facile, ce sont des plantes rustiques, après il faut arriver à vendre. Il ne faudrait pas être 15 par département, mais il peut y avoir plein de débouchés à créer. Pour l’instant je ne me paye pas encore, mais je devrais y parvenir très prochainement. Je vise 7000 m² en culture, et ça devrait suffire.

Dans les plantes, on trouve de tout et n’importe quoi : des plantes de l’étranger, sans aucun arôme, vendues à 250€/Kg, y’en a ! Mais des tisanes bien faites et artisanales, il n’y en a pas tant que ça. On voit toujours les mêmes dans les grands magasins ; c’est récolté à la machine, mal séché au gaz et stocké comme du foin, on ne peut pas faire de la qualité comme ça. Il faut être très polyvalent et méticuleux pour y parvenir ; trier les petites plantes à la main, enlever les petites tiges, aimer les choses bien faites. Des tisanes de merde, y’en a plein, on peut pas être concurrentiels là-dessus. Même si on vend pas forcément plus cher, on se démarque par la qualité !

Anaïs raconte son parcours dans un livre paru en 2020.

« Ce livre est une réflexion sur la liberté, un petit guide de survie alternatif et stimulant dans un monde qui va trop vite, une invitation à aller jusqu’au bout de ses rêves. »

Anaïs s’en va-t-en guerre
Éditions Équateurs, 2020

Les tisanes d’Anaïs
Anaïs Kerhoas

ARH-IFH – 329 route des Faurites – 07240 Chalencon – Tél. : 04 75 60 82 64
Réception téléphonique : lundi-mardi-jeudi : 09h00-12h00 et 13h00-17h00 – vendredi : 09h00-12h00

Vous êtes en situation de handicap ? Contactez-nous au 04 75 60 82 64

Une question ? Contactez-nous !