Ayant terminé la formation IFH en 2020, Elisa Ritter crée des tisanes et des teintures végétales dans un petit village de Bourgogne où elle s’est installée. Elle propose sur un site en ligne très élégant une gamme de textiles et de tisanes sous sa propre marque : Alnàua.
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Bonjour Elisa, quelle formation avez-vous suivi initialement ?

Elisa Ritter : J’ai eu un parcours assez varié, j’avais d’abord fait un BT Arts-Appliqués avec une option céramique et à la suite un BTS en photographie. Avant ça j’avais fait un diplôme universitaire dans l’humanitaire, puis à la suite de ces études, j’ai suivi la formation en herboristerie.

Qu’est-ce qui vous a décidé à vous orienter vers les plantes ?

Plus que les plantes, c’est la nature qui m’attirait en général. Ce qu’elle pouvait proposer… à l’image de ce que je fais aujourd’hui, mon travail avec les plantes tinctoriales et médicinales. Ce qui m’intéresse, c’est vraiment ce que la nature peut nous offrir, aussi bien dans les soins, que la création, que les odeurs… travailler sur les sens avec les plantes.

Déjà toute petite, j’étais sensible à la cause, ma famille était sensible à l’écologie, mais sans être non plus très portée sur la chose. Mon beau-père travaillait la vigne, il avait une relation particulière avec le vivant, sur lequel on se retrouvait pas mal. Dès l’âge de huit ans, j’étais inscrite chez Greenpeace, j’étais très engagée à ce niveau là, très sensible à nos relations au vivant.

Ce qui a aidé à mon choix par rapport à la formation IFH, c’est vraiment le suivi proposé et le stage professionnel.

Et pourquoi avoir choisi l’ARH comme formation ?

C’était assez compliqué de trouver une école avec laquelle il y avait un suivi relativement sérieux. Au départ j’avais une préférence pour l’École Européenne d’Herboristerie en Belgique, parce qu’en France le diplôme n’est toujours pas reconnu, et c’est compliqué de faire valoir ce métier-là. J’ai rapidement trouvé la formation IFH sur Internet. Ce qui a aidé à mon choix, c’est vraiment le suivi proposé et le stage professionnel, le fait de ne pas se laisser diluer par le temps, je recherchais vraiment cela. D’avoir un échange avec les profs, de profiter de sessions en présentiel aussi…

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Le fait que l’école propose une formation à distance, est-ce que c’était un plus ?

Pour ma part, oui, parce que je n’imaginais pas retourner sur les bancs d’une école au quotidien, donc une formation à distance me convenait parfaitement. Cela me permettait de pouvoir gérer mon temps comme je le souhaitais.

Est-ce que la création de votre boutique en ligne était l’objectif initial ?

Pas du tout, j’ai commencé la formation en pensant devenir productrice, et durant la formation j’ai commencé à réaliser toutes les démarches qu’il fallait faire avec la chambre d’agriculture et d’autres organismes. Cela m’a un petit peu refroidie quand même. Concilier teinture végétale et herboristerie n’était pas mon idée de départ : c’est vraiment parce que j’ai fait un stage professionnel avec une teinturière végétale que j’ai réalisé que c’était quelque chose que je pratiquais déjà depuis quelques années ! Et je me suis rendue compte que je n’arrivais pas à choisir entre les plantes médicinales et les plantes tinctoriales. De façon naturelle m’est venue l’idée d’allier les deux et c’est comme cela que j’ai songé à créer mon site, puis ma boutique en ligne.

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Peut-être que les teintures font le lien avec votre formation artistique ?

Oui, exactement, cela m’a permis de retrouver aussi le sens des couleurs, le sens du travail plastique en fait.

Pouvez-vous nous présenter Alnaua ?

L’idée de mon site Alnàua.com, est vraiment de proposer un ensemble holistique, de considérer à la fois le corps, le mental, et l’émotionnel. Pour ma part, ça passe aussi bien par ce que l’on peut ingérer, que par ce que l’on peut mettre sur notre peau. Selon moi, les plantes, dans leur ensemble, répondent très bien à ces besoins-là.

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Et quelles sont les différents produits que vous vendez sur la boutique ?

Pour l’instant, en ce qui concerne les plantes médicinales : des infusions, des bains-vapeur pour le visage et tous types de peaux, et au niveau des tinctoriales, de la teinture végétale, du prêt-à-porter, des chouchous en soie biologique Ahimsa.

En soie Ahimsa ?

Oui, c’était important pour moi. C’est une soie qui évite de tuer les vers à soie comme dans les soies classiques, où ils sont ébouillantés. Mais j’utilise aussi des soies recyclées afin de rester dans une démarche éco-responsable et respectueuse de notre environnement.

Où trouvez-vous ces soies recyclées ?

Je chine énormément, je récupère des chutes, mais dès que j’achète du neuf, ça va être obligatoirement de la soie biologique Ahimsa. J’ai encore quelques projets qui arrivent pour l’année 2023 : j’essaye de développer de nouveaux produits petit à petit dès que je le peux. Je fais tout moi-même, et il faut pouvoir investir, il faut pouvoir trouver le temps aussi, de tout transformer. Donc ce n’est pas forcément évident, mais cela se fait petit à petit.

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Proposez-vous aussi des ateliers ?

Oui, mon idée est aussi d’aider les gens à devenir de plus en plus indépendants et autonomes, par rapport à ce que la nature peut proposer, et donc les ateliers sont devenus une évidence. Je trouvais que c’était une voie idéale pour cela.

J’ai vu que vous proposiez un atelier pour faire des encres végétales ?

Oui des encre végétales à base de plantes tinctoriales, cette encre peut servir comme base d’aquarelle en fait. Également un atelier d’initiation à la teinture végétale, avec les plantes à mordants, et puis un autre atelier avec la technique du bundle dyeing qui est une technique de pétales de fleurs sur soie, avec un système de vapeur, qui ne correspond pas aux plantes à mordants classique.

J’ai créé aussi un atelier de baumes de plantes médicinales et de macérats.

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Et justement vous vendez aussi des vêtements sur votre site ? Les avez-vous fait vous-même ? J’ai vu un pantalon une chemise.

Tout à fait, je collabore avec une couturière, qui est à 30 minutes de l’atelier.

On reste en local donc ?

J’essaye de faire le plus possible confiance à des partenaires qui sont très près de mon atelier. Toutes les plantes que j’utilise sont 100 % françaises et biologiques. Quand je dois importer quelque chose, c’est que je n’ai pas le choix de faire autrement, par exemple pour les teintures végétales.

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C’est compliqué de trouver des fournisseurs de plantes ?

Pour mes créations d’infusions, j’ai plusieurs producteurs de plantes tout à côté de chez moi, et pour mes autres besoins, ce n’est pas facile… Pendant longtemps, j’ai essayé de chercher un producteur certifié qui pouvait me fournir toutes les plantes dont j’avais besoin, mais sans grand succès. C’est compliqué si je dois trouver 15 fournisseurs différents ! Ça multiplie à chaque le travail et c’est vraiment problématique. Ils peuvent aussi ne pas savoir pas si l’année suivante ils continueront à proposer telle ou telle plante. Donc c’est ce n’est pas évident, et je ne pensais pas que ce serait aussi compliqué de se fournir en plantes en France.

Du coup j’ai commencé à chercher un terrain autour de chez moi pour produire une partie, mais même cela, ce n’est pas facile, car les agriculteurs ont la main-mise sur toutes les terres agricoles. Finalement, j’ai quand même trouvé quelques producteurs qui pouvaient répondre à mes demandes, au niveau local, et sinon ailleurs sur le territoire.

J’ai un séchoir de 6 m2, je cultive quand même dans mon jardin certaines plantes tinctorielles, surtout des fleurs, et quelques médicinales pour mon compte personnel, et qui servent à mes alcoolatures. De la spagyrie aussi, pour moi. Mais pour ma boutique en ligne Alnàua il me faut quand même des quantités beaucoup plus importantes.

Comment faites-vous la promotion de votre activité ?

Majoritairement sur les réseaux sociaux, et j’essaye de faire quelques marchés ou quelques foires aux alentours, pour essayer de rencontrer les gens autour de chez moi. Il faut dire que je suis quand même dans un petit coin perdu, dans la campagne bourguignonne, avec 20 habitants à l’année ici, donc mes ventes se font majoritairement en ligne. J’essaye également de développer des partenariats avec des boutiques comme cela s’est fait à Beaune ou à Dijon. J’aimerais aussi essayer des partenariats avec Paris. Tout cela se fera au fur et à mesure.

Je reste ouverte à toutes sortes de collaboration : je suis une espèce de couteau suisse et je peux répondre à des demandes très différentes.

Grâce à mon travail sur l’image pendant mes études j’ai l’habitude de créer des visuels. Je me suis essayé à la direction artistique et il faut allier utile à l’agréable si on est capable de le faire. Sur le site j’ai tout fait moi-même : le graphisme des packagings, les photos…

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Pouvez-vous me décrire votre clientèle, les gens rencontrés sur les marchés ?

J’ai une clientèle très large, de 25 à 50 ans, des personnes qui sont hypersensibles déjà aux démarches écoresponsables, mais aussi des gens qui veulent découvrir des choses grâce aux ateliers, ça varie vraiment.

Pour en revenir à la formation IFH, vous a-t-elle aidée concrètement à mettre au point votre projet ?

Oui, surtout pour acquérir des bases vraiment solides, sur le plan théorique. Au niveau théorique et des connaissances, je le vois a posteriori, c’était très costaud.

La formation vous apporte peut-être aussi une légitimité ?

Oui c’est toujours bien ! Quand on se présente comme herboriste, la plupart des gens pensent qu’on a juste fait deux stages de quatre jours, et parce qu’on conseille une infusion de thym, on se prend pour une herboriste ! Au moins je trouve que l’IFH aide à la reconnaissance et je crois même que les gens ne réalisent pas tout le travail exigé par la formation. Je me souviens d’élèves de la formation, qui avait fait des études de médecine, qui avaient trouvé certains cours extrêmement poussés.

Avez-vous trouvé des difficultés dans votre installation, la création du site, le fait de démarrer votre activité professionnelle ?

Oui, quand même. Mon projet de proposer des cosmétiques prend beaucoup de temps parce qu’il faut faire les dossiers d’information produit, déclarer à l’ANSM, avoir des tests toxicologiques… Certains producteurs ne sont pas aux normes sur les fiches techniques ou les fiches sécurité des produits qu’ils nous donnent, mais en cas de contrôle, c’est nous, en tant qu’entreprise, qui sommes pénalisés par les défauts de ces fiches.

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Est-ce que vous sentez un intérêt croissant pour tout ce qui tourne autour des plantes, dans le grand public ?

Oui, oui, si l’on regarde 15 ou 20 ans en arrière, il n’y avait pas un tel engouement pour ces choses. Je pense qu’aujourd’hui les gens ont besoin de savoir ce qu’ils mettent sur leur peau. On peut le voir aujourd’hui, car même les monstres du cosmétique comme l’Oréal commencent enfin à arrêter de mettre de la pétrochimie dans leurs produits, car leur clientèle prend conscience que ce n’est pas très bon pour la santé. Oui, que ce soit pour le bio ou pour les plantes, les gens commencent enfin à s’ouvrir à ces problématiques-là, et je pense que cela vient rencontrer les enjeux climatiques auxquels on doit faire face aujourd’hui, qu’il y a une prise de conscience à ce niveau-là et que les gens cherchent quand même à essayer de faire un pas en avant.

Merci beaucoup Elisa.

Alnàua, Nature Holistic
Tisanes, teintures végétales

Elisa Ritter

Tél : 06 18 99 97 63

12, rue de la Folie 21220 L’Etang Vergy